Caïn
1880
XIXème – XXème siècles.
Huile sur toile 384 x 700 cm.
Analyse
La construction de cet immense tableau de sept mètres de long s’organise en forme de croix de Saint-André aplatie : dans le fond, un vaste paysage désolé, desséché à l’extrême, s’abaisse en pente douce. Au premier plan, la famille de Caïn, guidée par le patriarche fratricide, forme une sorte de long triangle s’amincissant vers la droite, tournant le dos au soleil. Chaque figure y est minutieusement travaillée d’après le modèle vivant, depuis le vieillard hirsute qui mène la troupe, fuyant la colère de Dieu, jusqu’à la gracieuse jeune femme nacrée que porte une robuste brute. Cormon travaille avec un réalisme minutieux et quasiment archéologique dans la description des haches de pierre ou des épieux de bois effilés. Derrière le terrible vieillard, la tribu serre les rangs, jusqu’à former à l’extrême gauche une étonnante cohue de personnages, de gibier porté en bandoulière, de chiens à demi sauvages, encadrant la litière où s’entassent pêle-mêle les carcasses de bêtes et les enfants dormant sur les genoux de leur mère. Le tout est un peu décoloré — c’est souvent le cas chez Cormon — mais justifié ici par les vers de Victor Hugo qui ont inspiré cette composition :
Lorsqu’avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l’homme sombre arriva
Au bas d’une montagne en une grande plaine…