La grande Odalisque

1814

 

XIXème siècle
Huile sur toile 91 x 162 cm

 

La grande odalisque - Ingres

Analyse

Dans un décor de type oriental, une jeune femme nue est étendue, immobile. Allongée sur des tissus précieux, elle est vue de dos, parée de ses bijoux et coiffée d’un turban. Autour d’elle, la richesse des accessoires — fourrures, tentures, bijoux, pipe à opium ou éventail — contribue à évoquer l’atmosphère close et sensuelle du harem.

Il s’agit sans conteste de la plus importante des nombreuses odalisques et baigneuses peintes par l’artiste. Elle appartient à la lignée des grands nus féminins qui, de Tititen et Giorgione à Matisse, ponctuent l’histoire de la peinture occidentale.

Ingres se souvient ici de l’attitude adoptée pas Madame Récamier dans le portrait entrepris par David quelque années plus tôt. Mais la précision de la ligne, l’élongation sinueuse et élégante du dos, la recherche du “beau idéal”, qui pousse l’artiste à soumettre la réalité à d’audacieuses déformations, s’inspirent encore de l’art italien. De Raphaël aux maniéristes toscans, Ingres ne cache pas ses admirations, mais il les transcende pour atteindre un style qui n’appartient qu’à lui.

Il renonce à la perspective et au modelé traditionnels, affirme la bidimensionnalité de la toile et annonce ainsi très directement certains aspects de l’art de Manet.

Quand le tableau fut exposé au Salon de 1819, la critique, heurtée par ces innovations formelles, fut très dévavorable. Elle remarqua l’élongation du dos, l’étrange position du pied et de la jambe gauches, et assimila cette stylisation appuyée à une faiblesse du dessin. Insensible aussi à la beauté de l’arrangement chromatique, dont les somptueux accords bleus et jaunes mettent en évidence la carnation lisse de la jeune femme, elle reprocha au peintre une attention trop superficielle à la couleur.

L’oeuvre

Le tableau est signé et daté en bas à droite J.A Ingres P. AT 1814. ROM. C’est Caroline Murat, reine de Naples, qui le commanda à l’artiste, en pendant à Femme nue dormant, dite aussi La Dormeuse de Naples, disparue depuis 1815. La chute de l’Empire empêcha Ingres de livrer l’oeuvre à sa commanditaire, et c’est le comte de Pourtalès-Gorgier qui l’acheta en 1819. Le musée du Louvre acquit le tableau en 1899. Il existe plusieurs répliques de cette oeuvre, de la main de l’artiste. 

Ingres, admirateur de Raphaël

Depuis la Renaissance, les peintres avaient pris l’habitude de copier les oeuvres de maîtres du passé. Ingres, qui était un fervent admirateur de Raphaël, ne fit pas autrement. Plusieurs de ces “exercices de style” sont conservés aujourd’hui au musée Ingres à Montauban. La Madone Mackintosh aujourd’hui conservée à la National Gallery de LondresLa Madonne du grand-duc et l’autoportrait de Raphaël, tous les deux conservés aux offices à Florence, ainsi que le Portrait de Bindo Altoviti maintenant à la National Gallery de  Washinton, ont ainsi servi de modèle à Ingres.
On trouve aussi dans une collection privée une copie de La Madonne de l’Impannata de la gallerie Palatine de FlorenceLa Madonne aux chandeliersconservée à la Walters Gallery de Baltimore sous le nom de Jules Romain mais jadis attribuée à Raphaël ; enfin, une copie partielle de Maddalena Doni (palais Pitti, Florence) se trouve au musée Bonnat de Bayonne.