L’odalisque à l’esclave

1842

 

XIXème siècle
Toile 76 x 105 cm
(Néo-classicisme et orientalisme)

 

L'odalisque à l'esclave

Analyse

Datée et signée, la toile suit de peu les cinq années passées par Ingres à l’Académie de France à Rome. L’odalisque est un témoignage de plus sur l’état des recherches poursuivies par Ingres : la couleur est seulement un accessoire, la ligne est l’élément portant qui détermine le rythme et révèle les formes du tableau. La mode orientaliste a, une fois de plus, totalement absorbé Ingres, qui a extrait son sujet de miniatures persanes, y ajoutant une touche d'”occidentalisme” qui rend plus difficile la détermination d’une source iconographique précise. L’Odalisque reprend assez clairement le Nu de la Femme Assise, dite aussi la Dormeuse de Naples, exécuté par Ingres en 1808 et aujourd’hui détruite. L’oeuvre, commandée par Caroline Murat, soeur de Napoléon, nous est connue grâce à une série d’études dont la plus célèbre est encore conservée au Victoria and Albert Museum de Londres. La figure de L’Odalisque de 1842 reproduit parfaitement, aussi bien dans les formes que dans la position allongée — avec  l’avant-bras droit soulevé au-dessus de la tête —, la dormeuse de 1808. Ingres lui-même semble confirmer cette dérivation dans une lettre à son ami Gatteaux, du 7 décembre 1840, où il déclare avoir utilisé des dessins ” en l’absence du modèle vivant “, sans doute ceux relatifs à l’oeuvre napolitaine.
Des deux versions du tableau (Cambridge et Baltimore), il existe de nombreux dessins qui attestent le vif intérêt du peintre pour le sujet : neuf au musée de Montauban relatifs à l’esclave musicienne ; un, postérieur, à l’encre de chine à Paris et un autre au British Museum de Londres.

L’oeuvre

L’oeuvre est une réplique voilée de la toile représentant le même sujet, conservée à Cambridge (Massachussetts) au Fogg Art Museum. Par rapport à cette dernière, la toile de Baltimore porte sur le fond un paysage aérien qui bouleverse les données de la perspective. Certains critiques soutiennent que la facture naturaliste de ces éléments est à attribuer, non pas à Ingres, mais à l’un de ses élèves, et on avance le nom de Paul Flandrin. Dans l’exemplaire de Cambridge, la balustrade introduit à un intérieur et nous prive de la superbe vision du jardin avec le lac et ses cygnes, qui donne toute une autre luminosité à la scène du tableau de Baltimore.

Le tableau appartint à l’origine à la collection de Guillaume Ier de Wurtemberg, pour qui il avait été réalisé. Après être passé dans les plus prestigieuses collections allemandes, la toile aboutit, en 1925, à celles de Walters, puis à la galerie de Baltimore portant le nom du donateur.

Le second séjour romain

En 1834, Ingres exposa au salon le Martyre de saint Symphorien (cathédrale d’Autun). Ce grand retable fut reçu avec froideur par la critique. Ingres en souffrit et il préféra s’éloigner pour quelques temps de Paris, où il ressentait maintenant comme de l’hostilité. Il postula et obtint le poste de directeur de l’Académie de France à rome, succédant dans cette charge de prestige au maître Horace Vernet. Il travailla là de 1835 à 1840, suivi par de nombreux élèves. Il put approfondir sa vision artistique et en même temps donner une impulsion culturelle nouvelle à la villa Médicis. Son travail porta sur l’institution d’un cours d’archéologie, d’une bibliothèque spécialisée d’art et de musique, sans oublier la promotion d’activités culturelles variées et de concerts.
C’est à Rome que Ingres se remit à peindre et acheva l’Odalisque à l’esclave, première du nom, qui lui valut en 1840 un retour triomphal dans sa patrie, où dès lors les commandes ne cessèrent d’affluer.