La Tour de Babel

1563

 

XVIème siècle.
Bois 155 cm x 114 cm.

 

La Tour de Babel - 1563 - BRUEGEL L'ancien

Analyse

Le tableau est peint par Bruegel à son retour en Flandre, après un séjour romain. Le sujet de La Tour de Babel est tiré du livre de la Genèse. Après le Déluge, les hommes, pour échapper à d’autres catastrophes, construisirent une tour dont le sommet devait pénétrer les cieux. Pour punir un tel orgueil, Dieu décida de confondre leurs langues de façon qu’ils ne puissent plus se comprendre, et les dispersa par toute la Terre, les empêchant ainsi de mener leur entreprise à bien.

La structure architecturale de la tour présente une base assez solide, mais la partie supérieure révèle des incohérences propres à rendre le projet irréalisable. Alors que le plan de la construction dérive traditionnellement de la ziggourat (tour-temple babylonienne), l’édifice représenté dans le tableau de Bruegel rappelle le Colisée. Les travaux — toute la composition est parsemée de petits personnages laborieux — sont surveillés directement par le roi Nemrod, le conquérant légendaire de Babylone, représenté au premier plan avec sa suite.

L’intention morale est claire : elle vise à condamner le progrès, la plus grande expression de l’orgueil humain. On a vu aussi, dans ce tableau une allusion à la situation politique et religieuse de l’époque. Nemrod peut être comparé à Philippe II dont le pouvoir autoritaire  s’impose par un régime répressif. Bruegel emprunte des thèmes chers à la Réforme en associant Babel à Rome et plus particulièrement à la Rome de papauté, au luxe et à l’orgueil ostentatoires. Certains voient en Bruegel un réformateur désireux, comme Érasme, de transformer l’Église de l’intérieur sans la quitter.

L’oeuvre
Le tableau est signé et daté. Il est mentionné pour la première fois en 1566 parmi les oeuvres de Nicolas Jongelinck. Il entre ensuite dans les collections de l’empereur germanique Rodolphe II et, en 1659, il est exposé dans la galerie de l’archiduc Léopold-Guillaume. Actuellement il est conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, dont le noyau est constitué par la collection de la maison de Habsbourg.

Une seconde version, plus petite, dite La Petite Tour de Babel, est conservée au musée de Boymans-van Beuningen à Rotterdam.

Rodolphe II, admirateur de Bruegel

La collection de l’empereur Rodolphe II de Habsbourd (1552-1612) était conservée dans son château de Prague et comprenait de nombreuses oeuvres d’artistes flamands. Une dizaine d’autres chefs-d’oeuvre de Bruegel, en particulier, faisaient partie de cet ensemble.

Grâce au succès que Bruegel remporta à Prague, les portes de la cour s’ouvrirent à ses proches disciples comme Roelandt Savery, originaire de Courtrai, spécialiste des paysages alpins. Rares étaient les visiteurs admis à visiter la précieuse galerie du palais royal et Rodolphe II négligeait les affaire de l’ État pour se consacrer à plein temps à ses collections. Une telle passion conduisit sa famille à le déposer du trône de Bohême pour le remplacer par con frère Mathias.
Seules quelques oeuvres de la collection de Rodolphe II parvinrent à Vienne en 1612, après sa mort, et sont aujourd’hui au Kunsthistorisches Museum de la capitale autrichienne. Une bonne partie des tableaux, en effet, fut dispersé lors du pillage de Prague par les suédois en 1648.