Le Christ mort

1524-1527

 

XVIème siècle
Huile sur toile 130 x 102 cm
(Maniérisme)

 

Le Christ mort (1524-1527)

Analyse

Le corps du Christ est peint de façon à mettre en évidence la beauté de son anatomie qui, selon l’interprétation antique, est un symbole de grandeur intérieure et morale. Le visage du Christ est paisible, détendu, comme si son corps n’avait subi aucune offense. Il semble dormir d’un sommeil tranquille, entouré d’anges qui l’observent en souriant. Les boucles de leur abondante chevelure sont semblables à des copeaux d’or où la lumière s’arrête en remous d’ombre ou bien rebondit en innombrables éclairs. Deux d’entre eux tiennent de hauts cierges pascals allumés, symboles de la nouvelle vie à laquelle va accéder le Christ — et le monde entier — grâce à la Résurrection.

Toute la scène est fondée sur cette confiance, cette certitude en une autre vie après la mort qui met fin à notre existence terrestre. En harmonie avec la vision héroïque du corps du Christ, le peintre a renoncé à représenter les stigmates, les blessures dues à la couronne d’épines et même toute trace de sang, tous éléments généralement mis au premier plan dans des sujets de ce genre. La seule marque qui rappelle la mort est la blessure au côté, qu’un des anges touche du doigt. La souffrance endurée sur le Golgotha est désormais lointaine ; seuls en témoignent quelques instruments de la Passion gisant à terre, les clous de fer à gauche et l’éponge imbibée de vinaigre à droite. Ici, la tradition d’un Christ exsangue entouré d’anges éplorés est totalement abandonnée. Les êtres célestes sont les complices d’un mystère ; et plutôt que de rester dans le souvenir du sacrifice du Christ, ils semblent attendre l’accomplissement miraculeux de la Résurrection.

L’oeuvre

Exécuté pour l’évêque Leonardo Tornabuoni, le tableau est cité par Vasari dans sa biographie du Rosso comme une oeuvre de la période romaine, datable par conséquent entre 1524 et 1527. Vasari en avait eu connaissance alors qu’il se trouvait chez Mgr Giovanni della Casa qui avait hérité le tableau de sa mère, née Tornabuoni. Disparue par la suite, l’oeuvre fut retrouvée sur le marché italien en 1800, quand elle fut acquise par un membre de la famille des Bourbons qui l’emporta en Espagne. L’oeuvre signée sur le sarcophage RUBEUS FLO[RENTINUS] FACIEBAT, y resta jusqu’en 1958, date à laquelle elle fut achetée par le musée de Boston.

Le Rosso, incompris en Italie, admiré en France

Le Rosso fait partie de ces artistes qui ne furent guère appréciés dans leur pays natal. Pendant toute sa période italienne, il travailla en fait assez peu pour les commenditaires privés ou pour les institutions religieuses. Ceci parce que sa peinture présentait des caractéristiques généralement peu apprécies et difficilement compréhensibles à tous. Selon Vasari, les déboires du Rosso viennent de ce que les hommes qui se consacrent à l’art avec toute leur énergie accèdent aux honneurs et à la gloire quand personne ne s’y attend plus. C’est ce qu’il advint au Rosso, dont le labeur ne fut guère reconnu à Rome ou à Florence, mais fut compris et porté aux nues en France ; très apprécié par François Ier, il travailla notamment au palais de Fontainebleau.